I.LES DÉBUTS D’ITER



B. HISTORIQUE DE LA FUSION NUCLÉAIRE:

 

1.  Qu’est-ce que la fusion ?

 

La réaction de fusion est la réaction durant laquelle deux atomes chargés positivement s’unissent dans des conditions expérimentales extrêmes.
En effet, deux atomes ayant des charges positives se repoussent de façon électrostatique vérifiant ainsi la loi de « Coulomb » suivante :

F   =   Q1Q2 x r/(4pK ½½r½½³ ) (avec K=8,854.10 ^-12 F/m)

 Pour mettre en œuvre ce type de réaction, il faut donc fournir une quantité considérable d’énergie au système pour que les atomes soient suffisamment proches (distance inférieure ou égale à leur diamètre) et puissent dégager  l’énergie due au défaut de masse.

 Cette énergie indispensable à la réaction se présente sous forme de chaleur et dépend de la pression de la matière. Elle est d’autant plus grande que les atomes fusionnant sont gros.

 Lorsque les petits noyaux fusionnent, le noyau résultant se trouve dans un état instable et doit décroître vers un état stable en émettant une particule (photon, électron ou autre). Une partie de l’énergie excédentaire est transmise à la particule émise sous forme d’énergie cinétique.

 L’autre partie est libérée sous forme de chaleur ( réaction exothermique) et forme ainsi une chaîne qui s’auto-entretient. Il n’est donc pas toujours possible de provoquer la fusion de deux noyaux  lorsqu’ils n’ont aucun état stable. Exemple : He + He (ayant quatre protons).

 

Il existe plusieurs sortes de réactions possibles de fusion :


 



 

 Source : EURATOM CEA
 

Comme il est indiqué à droite de chaque équation, on peut voir que certaines réactions diffèrent selon leur potentiel énergétique qui va de + 3,3 MeV jusqu’à  + 18,3 MeV, ce qui est énorme.

 Cependant, la fusion contrôlée nécessite des conditions de température et de pression extrêmes contrairement à  la fission de l’ordre de plusieurs centaines de million de degrés Celsius.

La réaction se fusion la plus simple à réaliser est celle impliquant un noyau de deutérium (D) et un noyau de tritium (T), car elle présente la section efficace la plus élevée, c'est à dire que la probabilité d'interaction entre ces deux particules est la plus forte. Cette réaction donne un noyau d'hélium et un neutron dont les énergies sont respectivement de 3,5 MeV et 14,1 MeV. C'est donc sur le principe de cette réaction qu'ont étaient menées les recherches sur la fusion contrôlée.


La production du tritium nécessaire est assurée par une autre réaction mettant en jeu le lithium, et les neutrons de la réaction D-T (ceci implique un charge initiale de tritium pour faire démarrer la réaction ) :

                                   6Li + n → 4He + T +4,78 MeV

 Les véritables matières premières d'un réacteur à fusion sont donc le deutérium et le lithium que l'on trouve en très grande quantité sur Terre.

 

2.   Les conditions nécessaires à la fusion.

En plus de températures élevées, d'autres conditions sont nécessaires pour l'utilisation de la fusion comme source d'énergie crédible.


En effet, le plasma chaud subit des pertes thermiques. On définit généralement un temps de confinement de l'énergie (τ) : c'est le temps que met le plasma pour se vider de sa chaleur.

Pour que la fusion soit rentable, il faut que les pertes soient largement inférieures à l'énergie produite par la réaction. Cette condition impose que n.τ > f(Q)  (n.τ est appelé le critère de Lawson), où n est la densité et Q est le rapport entre la puissance de fusion produite et la puissance extérieure fournie au plasma pour le chauffer. Si Q=1, la puissance générée par le plasma est égale à la puissance qui lui est fournie par l'extérieur. Et pour Q=∞ on dit que le plasma est en ignition, c'est à dire qu'il s'auto entretient : il n'y a pas de puissance extérieure.

Pour un plasma issu de la réaction entre le deutérium et le tritium, la fonction f(Q) vaut environ 1 pour Q=1 et tend rapidement vers 5 pour des valeurs élevées de Q. Pour un température de 10 keV, le critère de Lawson s'écrit :  n.τ ≈ 1020 s.m-3.

            La plupart des machines expérimentales actuelles, destinées à la recherche et pas encore à la production d'électricité, fonctionnent à Q<1, c'est à dire que le plasma consomme plus d'énergie qu'il n'en fournit. Elles n'utilisent comme combustible que du deutérium, ce qui permet de réaliser les études de physique nécessaires sans utiliser de tritium radioactif, en extrapolant ensuite les résultats obtenus en fusion D-D à la fusion D-T. Seules 2 machines ont pour le moment expérimenté l'utilisation du tritium : la machine américaine TFTR, maintenant fermée, et la machine européenne JET, qui détient le record mondial de puissance fusion en D-T : 16 MW ont étaient produits ce qui correspond à un facteur d'amplification de 0.64.

 

3.   Un exemple de fusion nucléaire : la combustion des étoiles


La combustion des étoiles constitue l’un des exemples des  plus représentatifs des réactions de fusion.

Pour qu’une étoile entre en combustion, il faut que la matière en son cœur atteigne des températures et des densités très élevées ; cela se produit grâce aux forces de  gravitation qui s’exercent sur  elle.

 

Ainsi ces conditions permettent la réaction thermonucléaire de fusion des atomes qui libèrent alors de l’énergie sous forme de rayonnement ; ce qui  explique que les étoiles « brillent ».

 La fusion nucléaire n’est donc pas une découverte récente des scientifiques puisque les étoiles expérimentent cette réaction depuis des millions d’années.


Prenons le cas du soleil à titre d’exemple :

Rappelons tout d’abord que le soleil est l’unique étoile de notre système solaire parmi les 200 milliards de notre galaxie.

 En son cœur, la réaction de fusion transforme l’hydrogène en hélium et l’énergie produite parvient jusqu’à sa surface.

Cette réaction se déroule avec une densité de prés de 150000 kg par mètre cube. Cela donne ainsi une idée des conditions nécessaires à la fusion. Sur Terre, on cherche à créer un modèle à échelle beaucoup plus réduite, dans lequel la fusion pourra être contrôlée : c’est la principale prouesse scientifique que devra réaliser ITER.



4.   Le principe du réacteur à fusion par confinement magnétique.

 

Schéma de Principe d'un Réacteur à Fusion

Source : Euratom CEA

 

Le principe du réacteur est présenté ci-dessus.  Le mélange combustible deutérium-tritium est injecté (1) dans une chambre de chauffage où il passe à l'état de plasma et brûle de façon continue (2). Le plasma produit des cendres (atomes d'hélium) et de l'énergie sous forme de rayonnement ou de particules chargés (3) qui abandonnent leur énergie dans la « première paroi », premier élément matériel rencontré au delà du plasma. L'énergie qui apparaît sous forme d'énergie cinétique des neutrons est, quant à elle, convertie en chaleur dans la couverture tritigène (4), élément situé après la première paroi, à l'intérieur de la chambre à vide. Cette chambre est le composant qui clôt l'espace où a lieu la réaction de fusion. Première paroi, couverture et chambre de fusion sont bien évidemment refroidies par un système d'extraction de chaleur. Cette chaleur est utilisée pour produire de la vapeur et alimenter un ensemble turbine et alternateur (5) qui génère finalement de l'électricité.

La couverture remplit plusieurs fonctions. Son premier rôle consiste à récupérer l’énergie que les neutrons abandonnent en échauffant les matériaux. Un fluide caloporteur circule dans la structure et évacue la chaleur produite vers les équipements classiques que sont le générateur de vapeur, la turbine et l’alternateur. Son deuxième rôle est de régénérer le tritium nécessaire à la réaction de fusion. Le tritium n’existe en fait qu’en très petite quantité dans la nature. Il sera produit in situ par bombardement neutronique sur un autre corps, le lithium, présent dans la couverture, via la réaction suivante :

 n + 6Li  → T + 4He + 4,78 MeV

Cette réaction qui dégage de l'énergie permet à la couverture d'être le siège de réactions productrices d’énergie, intervenant pour 20% dans le bilan du réacteur. Le lithium peut être sous forme solide (céramique) ou liquide (alliage métallique), suivant le concept de couverture. La couverture doit, enfin, jouer un rôle de protection en réduisant considérablement l’énergie et le flux neutronique afin d’abriter les composants suivants (chambre à vide, système magnétique…). Pour atteindre un rendement global de l’ordre de 35%, un réacteur devra pouvoir réaliser des facteurs d’amplification de l’énergie Q supérieurs à 25-30. Ceci impose que les réacteurs de fusion seront, nécessairement, des unités de grande taille, typiquement capables de produire 1000 MW électriques, soit l’ordre de grandeur de la capacité d’un réacteur de fission.

L’objectif essentiel du programme ITER est de démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l’énergie de fusion par confinement magnétique. La machine pourra produire 500 MW de puissance de fusion pendant plus de 400 s avec l’assistance de 50MW de puissance de chauffage, soit une amplification de l’énergie d’un facteur 10 (Q = 10). Elle permettra donc l’étude des plasmas en combustion, c’est-à-dire des plasmas où le chauffage par les particules alpha créées lors des réactions de fusion est majoritaire. Dépassant 60%, la part de chauffage due aux particules alpha sera sextuplée par rapport aux meilleures décharges réalisées dans la machine JET. ITER réalisera la synthèse des performances de Tore Supra (plasma de longue durée) et du JET (plasma énergétique). ITER sera aussi la première machine intégrant la plupart des technologies essentielles au réacteur : aimants supraconducteurs de très grande taille, composants face au plasma refroidis activement, gestion du tritium, maintenance robotisée, tests de modules de couvertures tritigènes. Avec un grand rayon de 6,2 m (distance axe de la machine – centre du plasma), le volume plasma d’ITER sera environ huit fois supérieur à celui du JET. À l’intérieur de l’enceinte à vide, les composants internes (divertor, modules de couverture…) pourront être entièrement remplacés par maintenance robotisée. Les principaux composants d’ITER ont fait l’objet d’études très détaillées allant jusqu’à la réalisation de maquettes à l’échelle 1, comme pour l’enceinte à vide ou la manipulation du divertor. Le coût du projet est évalué à environ 4,7 milliards d’euros à partager entre les partenaires. Après huit années de construction, la mise en route se fera de façon progressive avec d’abord une phase de plasmas d’hydrogène, qui permettra de tester la machine et de valider les scénarios de confinement pour les phases en deutérium et deutérium-tritium. La durée d’exploitation est évaluée à une vingtaine d’années. ITER est une expérience scientifique et technologique destinée à démontrer la faisabilité de cette nouvelle option de production d’énergie. Tous les composants essentiels à un réacteur seront présents, à l’exception de ceux dédiés à la production du tritium et à la génération d’électricité. Ces éléments spécifiques du réacteur électrogène auront la particularité d’être construits avec des matériaux basse activation : ils feront l’objet de tests à petite échelle (module de couverture) dans ITER.